François Morénas,
ardent défenseur du "Colorado Provençal"

François Morénas

François Morénas, patron de l'auberge de jeunesse de Regain à Saignon,
a été cinéaste ambulant et amoureux du Colorado Provençal.
Dans les années 60, il trace et balise les premiers sentiers de découverte du Colorado.
Il était venu projeter à l'école le film " La Vallée qui Saigne ",
l'un des rares documentaires consacrés à l'ocre.

- A quel âge avez-vous commencé à faire des sentiers ?
- Eh bien, j'ai commencé à mettre de la peinture pour baliser des itinéraires à faire à pied à l'âge de 23 ans, en 1937. Dans le Colorado, beaucoup plus tard... Vers 1953. Il y avait des sentiers de grande randonnée, le GR 6, qui devait passer par le Colorado. Alors on m'a dit : " Si vous voulez, vous allez faire ce secteur là " Et après, je me suis passionné à faire découvrir le Colorado dans ses détails.

-Pourquoi avez-vous fait ces sentiers ?
- Parce que c'est agréable pour moi de les faire, parce que j'ai toujours aimé partager mon plaisir avec les autres...

- Avez-vous touché de l'argent ?
- (Rires) Oh oui ! La première année, en 1954, la municipalité de Rustrel m'a donné, si mes souvenirs sont bons... 10 000 anciens francs. 100 F !

- De quoi vous servez-vous pour faire des sentiers ?
- Je me sers surtout maintenant, pour les entretenir, de cisaille pour couper les petites branches. Mais lorsque j'ai fait ces sentiers, je me servais de serpes, celles qu'on appelait les "fourchouns " en Provençal. Et puis de la scie pour certaines branches, et surtout de la pioche, avec un côté qui fait coupe-bois comme une hache. Je faisais à peu près 300 mètres de sentiers par jour. Je suis arrivé à créer 7 à 8 km à la main sur les douze kilomètres de sentiers balisés que ça représente.

- Quel genre de peinture utilisez-vous ?
- Pour ne pas faire double emploi avec le GR, j'ai balisé tout mon itinéraire qui fait le tour du Colorado avec du jaune. Et j'ai aussi du bleu pour faire des variantes, des croix bleues, des points bleus, des traits bleus... Pour des quantités de petits itinéraires pour des gens qui ne veulent pas marcher trop longtemps. Avec notre guide, ils peuvent faire des promenades d'une heure, de deux heures... Alors que le grand circuit fait 12 h. J'utilise de la peinture ordinaire à l'huile, avec un pinceau.

- Quels sont les livres que vous avez écrits ?
- Il y a des petits guides de randonnée pédestre, il y a le Colorado Provençal, les Monts  de Vaucluse, le Luberon, le Ventoux et les Dentelles de Montmirail. J'ai écrit d'autres livres : " L'hôtel des Renards ", l'histoire de mon auberge de jeunesse de 1936 1940. Mes histoires de cinéma ambulant de 1946 à 1953. Il y a d'autres livres, " Clermont des lapins ",  l'histoire de mon auberge de jeunesse pendant la guerre, sur le plateau des Claparèdes au-dessus d'Apt, écrit depuis bien longtemps. Il va être publié cette année.

- Avez-vous des cartes ?
- Oh, toutes les cartes sont moins précises que ce que j'ai dans la tête ! Ce qui m'a servi beaucoup, c'est le plan du cadastre de Rustrel. J'y ai relevé tous les anciens noms des chemins. C'est très intéressant.

- Combien de sentiers avez-vous fait ?
- C'est difficile à dire ça... À peu près 1500 km entre le Ventoux, les Monts de Vaucluse et le Luberon.

- Est-ce que c'est  vous qui repeignez ?
- En principe oui, mais quelquefois j'ai des aides. La dernière fois qu'on a rebalisé, c'est un jeune Belge qui était employé au parking du Colorado qui m’a donné un très bon coup de main en rebalisant les points jaunes. Maintenant, nous attendons les bonnes volontés. Si parmi vous il y en a qui, en été, pendant les vacances, veulent me donner un coup de main, je les embauche volontiers. Je leur prête un pinceau, un pot de peinture, et je leur dis :  « Vous ne faites tel itinéraire ». Je laisse  les bénévoles dans un endroit et je les reprends plus loin. C'est agréable pour eux, ils n'ont pas à revenir.

Ce sont surtout les gens qui séjournent à l'Auberge de Regain qui me font plaisir. Les randonneurs utilisent les sentiers, mais ne les entretiennent pas.

- Est-ce que vous trouvez beaucoup de déchets ?
- Eh bien non ! J'avoue que c’est formidable, que c'est très étonnant, mais c'est insignifiant. Dans l'ensemble, les gens qui font le Colorado ont lu nos guides dans lesquels on les prévient : on leur explique que ce sont des propriétés privées, qu'ils doivent respecter le lieu, respecter la Nature. Maintenant, nous ne sommes pas responsables des gens qui viennent le dimanche faire un petit tour au pied des cheminées de fée, qui ne connaissent rien aux sentiers, rien à la marche à pied, qui sont en général déçus parce qu'il n'y a pas de buvette, pas de marchands de souvenirs, et ces gens-là laissent des bouteilles de bière, laissent des papiers... Ces gens n’ont aucune éducation. Pour ces gens-là alors oui, il faudrait mettre des poubelles au pied des chemins de fée.

Dans la classe
François Morénas était venu dans la classe.

Il y a une question qu'on n’a pas posée, c'est cette dénomination de « Colorado Provençal ». De tout temps, ce qu'on appelle maintenant le Colorado, s'appelait « Les Ubacs de Rustrel ». L’abbé Martel, qui était président du mouvement « Alpes de Lumière », qui était là pour mettre en valeur tous les sites de la région et qui a fait un travail et forme de connaissance du pays d'Apt, s'est entiché comme moi de ce Colorado Provençal. Il arpentait les sentiers avant moi pour créer son GR 6. C’est lui qui a baptisé cet endroit « Colorado Provençal ».

Beaucoup de gens sont déçus parce qu'au mot «  Colorado », ils croient trouver l'Amérique. Ils croient trouver des canyons énorme, des gorges... Il y a des petits ravins, des petites gorges très sympathiques mais il n'y a pas de canyon, on n’a pas l’équivalent, loin s'en faut, des gorges d’Oppedette qui sont un peu plus loin, ni des gorges de la Nesque. L’abbé Martel, justement, a baptisé cette région « Colorado » non pas à cause des canyons, mais à cause des couleurs, de la couleur qui plus belle que celui d'Amérique. (Colorado signifie « rouge » en espagnol) Les couleurs sont beaucoup plus extraordinaire parce que plus variées.

- Et pourquoi on dit « cheminées de fée » ?
- Il y en a partout. Et ce qu'on appelle « cheminées de fée », ce sont des falaises  très découpées où il y a un chapeau plus dur qui empêche l’érosion. Ici, ce sont les lances des ouvriers ocriers qui ont provoqué le phénomène.

- Eh bien nous vous remercions, monsieur Morénas.

Contact : Auberge de jeunesse de Regain, à Saignon, 84400 APT, tél 00 33 490 743 934
François Morénas est aussi célèbre pour son festival annuel des films classiques. Chaque été, il projette des trésors du cinéma muet ou d'avant-guerre.