Ceci est le texte du projet pédagogique mettant en oeuvre les Technologies numériques à l'école de Rustrel.
NUMERISER ET COMMUNIQUER
1. Constat.
Des nouveaux venus
Rustrel voit sa population se renouveler continuellement. En 1999, 90% des parents d'élèves sont
originaires d'un autre département que le Vaucluse, la plupart provenant d'une autre région que la
région PACA.
Or, chaque
fois qu'on étudie un aspect du patrimoine local en classe, les parents d'élèves manifestent
beaucoup d'intérêt. Ces nouveaux Rustréliens sont désireux de connaître l'histoire,
la géographie, les particularités botaniques ou géologiques du village. Informations qu'ils
ont du mal à obtenir auprès de la population des Ancien. Ils les côtoient peu. Plus surprenant
: la mémoire même des Anciens s'effiloche : les souvenirs sont parfois imprécis ou contradictoires.
Des pratiques pédagogiques qui s'échangent mal
La communication entre les enseignants qui <<réinventent éternellement l'eau tiède>>(1) est pratiquement inexistante par rapport à ce qu'elle devrait
être.
(1) Colette Pâris, dans son article "Coordonner les initiatives de
terrain et la recherche sur l'école, in XXIe siècle n°2
Parfois, quand les enseignants parviennent à se rencontrer autour d'une table, au détour d'une
conférence pédagogique, d'un conseil de cycles ou lors d'un stage de formation continue, quelques
idées sont échangées. Ces circonstances restent exceptionnelles, et c'est dommage car beaucoup
d'instituteurs sont à l'écoute d'idées nouvelles : ils parlent boulot avec les collègues,
ils empruntent des ouvrages à la bibliothèque pédagogique - quand elle est aussi bien approvisionnée
(et achalandée) que celle d'Apt - il lisent des revues pédagogiques... Mais ils ne savent pas ce
qui se passe dans les écoles des villages voisins.
Les pratiques pédagogiques circulent peu, et les actions pédagogiques
ne circulent pas du tout.
Des réalisations très mal connues
En 1998, la classe de Cycle 3 de Rustrel a participé au projet <<21 défis pour le Parc>>
proposé par le Parc Naturel Régional du Luberon. Ce projet a intéressé 27 classes d'écoles
élémentaires, de collèges et de lycées. Tous les travaux réalisés ont
été exposés lors d'une <<journée restitution>> au château de Buoux.
Ce fut l'occasion pour les enseignants et leurs élèves de découvrir le travail d'autres établissements
scolaires.
On reste émerveillé par la richesse et la qualité
des réalisations : herbier multimedia, enquête sur l'approvisionnement
en eau du bassin d'Apt, reconstitution d'un pont sur le canal Saint-Julien,
utilisation de l'ocre et des minéraux colorés, présentation
de l'arboretum du village... Beaucoup de ces travaux peuvent servir de ressources
documentaires pour les autres classes, mais aussi pour un public plus large,
en particulier la population locale, puisque chaque projet repose sur un aspect
du patrimoine local.
S'il n'y avait pas eu cette journée de présentation et de rencontre, les travaux des élèves
n'auraient été connus que de leurs parents.
Souvent, même l'inspecteur départemental ne voit pas le résultat final du projet qui lui a
été soumis en début d'année.
Des Archives inaccessibles
Ces travaux seront ensuite rangés quelque part dans les archives de l'école, ils s'endormiront au
fond des cahiers ou des classeurs des élèves. Si quelqu'un en garde le souvenir et désire
un jour s'y référer, il faudra les exhumer de sous la poussière. Mais peut-être aura-t-on
tout jeté : ce n'était que du travail d'élèves...
Accèder aux archives n'est jamais aisé et demande du temps :
- un instituteur du Pays d'Apt doit consacrer une journée pour se rendre à Avignon et consulter les
Archives Départementales.
- il faut bien passer un après-midi à la mairie de Rustrel pour rechercher les résultats des
recensements de la population du village depuis 1830.
- à la Maison du Parc du Luberon, il y a sur le disque dur d'un ordinateur quatre Giga-octets d'informations
multimedia sur la faune et la flore du Luberon (l'équivalent de 7 cédéroms pleins à
craquer). Mais il faut une personne qualifiée pour manipuler le logiciel de présentation.
Les informations existent, mais elles s'adressent à des chercheurs universitaires. Il faut le temps d'aller
consulter les archives sur place, en prendre note sans pouvoir en ramener un extrait chez soi, assembler les données
pour en faire un document pédagogique utilisable avec les élèves. Cela implique une certaine
démarche et beaucoup de temps pour un instituteur qui n'a pas que cela à faire.
Des financements trop contraignants
Pour lancer un projet, l'école a toujours besoin d'un financement. Celui-ci peut être octroyé
par l'Inspection académique pour ce qui est des coûts de fonctionnement, mais les contraintes sont
rédhibitoires :
* il faut d'abord penser et écrire le projet six mois à l'avance, estimer précisément
son coût, présenter les devis nécessaires, fournir une somme de travail et de réflexion
sans être certain de les obtenir.
* le projet doit être inscrit dans l'année scolaire, ce qui empêche de démarrer une action
en profitant d'une occasion en cours d'année. Max Gallardo avait contacté l'école de Rustrel
fin octobre, nous aurions dû lui répondre : <<Trop tard pour cette année, mais on peut
l'envisager pour la rentrée de l'année prochaine>> !
Si le projet s'étale sur plusieurs années, ce qui est parfaitement envisageable, il faudra recommencer
la procédure de demande d'aide chaque année, sans être certain d'avoir la suite des financements.
* tous les frais doivent être payés par l'Inspection Académique, ce qui nécessite de
demander des délais de paiements de plusieurs mois aux fournisseurs. Scoubidou n°13 imprimé en
mai est payé en décembre.
La date de règlement est impérative : pas question de ne pas respecter les délais, de demander
quelques semaines de plus pour finir.
Dans la réalité, il faut souvent plusieurs mois rien que pour la conception d'un projet. En général,
on commence par esquisser un synopsis, en cernant les objectifs et la démarche pédagogique à
mettre en oeuvre. Souvent, le projet mûrit pendant les semaines qui suivent, surtout grâce aux congés
: l'instituteur, qui a les neurones complètement lessivés après une journée de classe,
les corrections et les préparations pour le lendemain, sort de son bureau avec un cerveau qui fonctionne
à 1% de ses capacités, ce qui lui permet à peine de penser <<Qu'est-ce qu'on mange,
qu'est-ce qu'il y a à la télé ce soir ?>>. La période des vacances est propice
à la réflexion. C'est à ce moment là qu'on peut affiner le premier jet. On articule
le projet en intégrant d'autres actions pédagogiques, on met en oeuvre la pluridisciplinarité.
C'est ainsi qu'un projet sciences aura des volets expression écrite, géographie, arts plastiques,
sport...
Pendant le déroulement du projet, de nouvelles idées peuvent germer : peut-on les négliger
? Le projet peut dépasser l'année scolaire, ou être prolongé l'année suivante.
Ce serait dommage de le bâcler faute de temps.
Pour
toutes ces raisons beaucoup d' écoles renoncent souvent à des projets ambitieux dont dépend
un financement incertain. Les projets sont souvent financés par la coopérative scolaire, la caisse
des écoles, l'aide de la mairie, le loto de noël...
Toutes ces constatations peuvent sembler disparates. Pas du tout : elles posent toutes le problème de l'information, de son traitement, de sa communication. Et cela peut paraître étonnant, mais une école, dans le cadre de l'application des Programmes de l'Education Nationale, peut apporter des solutions. Même une toute petite école dans un tout petit village.